II- Une liberté d'expression persévérante
A. Maintes façons et manières d’expressions
« Si l’on peut remonter jusqu’à des temps où les hommes n’auraient eu aucun langage, ils ont cherché d’abord à exprimer leurs besoins les plus pressants ; et quelques gestes et quelques cris suffisaient pour cela. Ce fut-là la première langue de l’homme ; c’est encore celle dans laquelle tous les peuples s’entendent, mais ne peuvent rendre qu’un fort petit nombre d’idées. Ce ne fut que longtemps après qu’on pensa à d’autres manières de s’exprimer. » I, Pierre Louis Moreau de Maupertuis, Dissertation sur les différents moyens dont les hommes se sont servis pour exprimer leurs idées, 1756.
Au fils du temps et des années les différentes manières de s’exprimer se sont modernisé, l’art (le graffiti est l’art jeune) dont l’existence date de la préhistoire, la presse qui depuis le 30 mai 1631 existe en France, la radio née le 5 janvier 1940, la musique (le rap datant des année 1970, et tous les autres styles de musiques vocaux sur fond musical) et internet découvert vers la fin des années 1980 en Amérique (les réseaux sociaux naissent 15 ans plus tard). Nous allons découvrir les différents styles d’expressions utilisé pendant la révolution tunisienne chronologiquement.
Le graffiti existe depuis des époques reculées, dont certains exemples remontent à la Grèce antique et a l’empire romain. Dans la pluparts des pays le graffiti est considéré comme vandalisme, punissable par la loi. Mais souvent le graffiti est employé pour faire passer un message politique ou social.
En Tunisie, le tag a pris possession des murs de la capitale transformés en un support pour des messages qui dénoncent l’ancien régime, le système policier et l’ancien parti au pouvoir.
La presse a toujours été un moyen de diffusions des informations très efficace malgré l’entrée d’internet et de nouvelles façons de transmission d’information, la presse reste traditionnelle et toujours aussi populaire, la preuve : 245 journaux et magazines sont officiellement recensés en Tunisie. La grande majorité de ces publications (90%) appartiennent à des privés. Les partis d’opposition publient leurs propres journaux mais a très petite quantité (Al Mawkif est un bon exemple). Mais la pluparts des journaux suivent l’avis gouvernemental et publie leurs articles sans critiquer les activités du président, du gouvernement et du parti au pouvoir.
La radio a permis de diffuser les bandes originales des révoltes tunisiennes et les informations concernant les manifestations, pour faire passer un message à travers le monde. La radio est tout premièrement des ondes radio qui permettent d’écouter la radio a une fréquence inferieure 3000GHZ, elle se divise en 3 types : FM, AM et Grandes Ondes.
FM représente la diffusion en modulation de fréquence de type très hautes fréquences, qui vont de 87,5MHz à 108MHz.
AM utilise la modulation d'amplitude. Elle permet de diffuser à des distances plus grandes que FM. Ce sont des fréquences qui vont de 2300KHz jusqu'à 26100KHz.
Les Grandes Ondes qui couvrent sur des distances jusqu'à 1000km sont de plus en plus rare.
Le rap est une des principales manières d’expression utilisée lors de la révolution tunisienne.
Mais tout d’abord, d’où vient-il ?
Le rap est un acronyme de « rythm and poetry » qui signifie : rythme et poésie. C’est une forme d’expression orale sur un fond instrumental appartenant au mouvement culturel hip-hop, apparue au milieu des années 1970 dans les ghettos noirs aux États-Unis. Le rap consiste à arranger des couplets rimés, séparés par des refrains et accompagnés de rythmes particuliers (beat-box, scratching…). Influencés par d’autres styles musicaux appartenant à la culture noire (blues, reggae, jazz…) le rap acquiert une popularité de plus en plus grande au fil des années 1980.
Le rap s’est popularisé pour toucher également la population blanches, ainsi devenu un courant musical mondial très à la mode, il génère d’important flux d’argent.
Le rap se mélange a d’autres genres musicaux jusqu’à dépasser les limites : rock et métal avec la fusion et le rapcore, trip-hop avec l’abstract hip-hop, musiques traditionnelles ou encore électro.
Puis le rap tunisien a ouvert ses portes depuis le tout début des années 1990, quelques groupes se lancent sur scène restant locale (Wled Bled, B4 Clan, Brigade Parazit’s, T-Men, Arab Clan, Light Beat etc…). Beaucoup d’artistes restent inconnus à la plupart des jeunes tunisiens, cette vague d’artistes s’amplifie de génération en génération.
Une scène de rap très active mais qui souffre de soutien qui est notamment dû au contenu de quelques titres de rap dénonçant les injustices sociales, le chômage, la corruption etc. Cette scène de rap est sous surveillance, surtout depuis l’apparition d’El General qui interpelle le Président Zine el-Abidine Ben Ali sur la corruption, le chômage et les violences de la police.
Les réseaux sociaux ont permis aux idées de la révolution d’être partagés à tous.
Premièrement, un réseau social est un ensemble de personnes ou encore des organisations reliées entre elles par des échanges, émotions… : des interactions sociales.
Les réseaux sociaux sur internet ont été découverts aux Etats-Unis en 1995, mais ils ont été connus par tous les continents qu’en 2004.
Twitter et Facebook ont contribué à relayer les informations concernant les manifestations en Tunisie et la chute du dictateur.
B. Chanter & diffuser, laquer & partager…
Les principaux acteurs de la révolution sont le rap et le tag, accompagné de leurs moyens de transmission respectif : les radios et les réseaux sociaux. Leurs efficacité leur est prouvé par la transmission de leurs messages dans beaucoup d’autres pays : la France, l’Egypte, l’Amérique…
Tout d’abord le rap et la radio.
El général, un jeune rappeur tunisien a sorti une chanson appelé Rayes Lebled. Les paroles sont adressées au Président de la République tunisienne, il informe le Président des maux que ressent le peuple. Il parle de tout ce qui se passe en Tunisie en son nom et au nom du peuple. Pour cette chanson, le jeune rappeur est encore emprisonné.
Hamada Ben Amor est un bon garçon, cadet d’une famille de quatre enfants d’une classe sociale moyenne tunisienne, il vit encore chez ses parents à Sfax.
A 18 ans, il a également écrits Sidi Rais (« Monsieur le Président »), sa première chanson sur Ben Ali. Puis Rayes Lebled (Rais el-bled : Président du pays) : « Aujourd’hui je m’adresse à toi, en mon nom et celui du peuple entier qui vit dans la souffrance. En 2011, il y en a encore qui meurent de faim, ils veulent travailler pour vivre mais leurs voix n’est pas entendue […] Je vois les flics taper sur les femmes voilées, est-ce que tu accepterais sa pour ta fille ? »
El général a été interdis de concert, de production, de disques, de radio en Tunisie, mais en Europe il passe sur des radios rock tel que Nova FM. En décembre 2010, Rayes Lebled est mise en ligne sur Youtube, elle est tellement téléchargée qu’elle devient l’hymne de protestations. C’est avec cette chanson qu’El général se fait connaitre de tout le monde.
Après le 25 janvier la chanson Rayes Lebled est reprise au Caire et plus particulièrement par les manifestants « J’ai eu beaucoup de message de jeunes Egyptiens qui me demandaient de venir chanter sur la place Tahrir. ». Il écrit un nouveau rap nommé « Vive la Tunisie » qui se termine par un appel lancé au nouveau président qui emportera les élections : « Prend soin de la Tunisie »
El général s’est propulsé dans la carrière d’un rappeur professionnel. Ses premiers concert sont déjà tous complets, à Lyon les 16 et 17 mars et à Marseille plus tard dans le même mois. Le regard de ses parents sur le rap s’est transformé : « Avant la révolution ils voulaient que j’oublie la musique. Ils disaient que c’était dangereux, qu’ils avaient vraiment peur pour moi. Maintenant, ils sont fiers. Ils m’encouragent à continuer et à servir mon pays. »
Mais El Général a atteint ce succès en partis grâce aux radios qui le soutenaient en diffusant ses chansons.
En Tunisie Mosaïque FM est une radio ouverte en novembre 2003, s’est démarquée depuis sa création, par son ton décalé et jeune, elle parle de la musique de rue, des rappeurs, des tagueurs… La radio souligne que le succès que connais aujourd’hui la musique tunisienne est due à une vague de liberté qui "booste" la créativité et donne des idées fraiche et nouvelles.
En France Nova FM a passé sur la Play List de NEOGEO le dimanche 29 mais 2011 Rayes Lebled parce que Nova a suivis de près la contagion démocratique dans les pays arabes alors un "Free Worldmix" est mis en place pour passer les bandes originales des révoltes tunisiennes.
Puis une autre forme artistique a vu le jour : le tag entre en scène avec son acolyte les réseaux sociaux. La ville est devenue un espace pour toutes sortes d’affichages et d’expressions graphiques qui relèvent le désir de liberté et à la dignité.
La grande place de la Kasbah s’est transformée en une immense galerie où les tagueurs et graffeurs ont exprimé leur colère et leur attachement à cette liberté.
Toutefois dès que la place a été libérée de ses occupants, les responsables de la capitale se sont empressés de faire repeindre les murs. Une décision contre laquelle les graffeurs se sont révolté : il s’agit de la mémoire de la révolution. Même un groupe Facebook s’est créé "Ne touchez pas aux tags de la Kasbah, c’est un patrimoine !", mais les murs de la Casbah ont tout de même été repeint.
Des graffeurs indépendants se sont exprimés évoquant le souvenir artistique : « C’était une période glorieuse où on a beaucoup partagé, tant sur le plan humain, intellectuel, idéologique que culturel ».
Longtemps condamnés à taire leurs idées et leur désir impétueux de liberté, les jeunes ont pu se débarrasser du poids de la censure.
SK-One, alias Hafedh a 26 ans. Il vient de la banlieue sud de Tunis et graff depuis une dizaine d’années. Il poursuit ses études et devient informaticien. Puis récemment il quitte son emploi pour se consacrer exclusivement à son art. « Les gens ont commencé à me connaitre grâce à l’exposition fait à la galerie Arty Show à La Marsa en 2009. », il expose même au Printemps des arts plastiques en mai 2010. C’est à la galerie Arty Show que Sk-One rencontre Meen-One.
Meen-One, alias Moeen Gharbi étudiant à l’école des Beaux-arts de Tunis le jeune homme est également graffeur. Il dessine des graffiti depuis environ dix ans, il a appris à aimer cet art sous l’influence de son grand frère tout comme Sk-One. Avant la révolution, taguer n’était pas une affaire aisée. « On graffait sur les murs du quartier, dans les lycées ou encore dans les stades, on laissait nos signatures tout en faisant attention a e pas être attrapés par des policiers très vigilants », souligne Moeen.
Depuis quelques années Meen-One collabore avec des rappeurs : « A l’occasion de la sortie du nouvel album du groupe Armada, nous avons fait des graffiti qui n’était pas du goût des policiers. Ces derniers ont même fait appel à des experts de Tunis pour déchiffrer le message du graff en question. Le verdict a été lourd et ils sont venus nous emmener du studio où on travaillait. » C’était le 15 octobre 2008.
Sk-One et Meen-One sont très prisé dorénavant. L’ambassade de Grande-Bretagne leurs demandent de mettre en image la révolution tellement leurs succès a été grand.
Aujourd’hui la révolution a ouvert les portes et a donné aux artistes, toutes spécialités confondues, une plus grande liberté pour s’exprimer.
C. …Mais parfois isolé et censuré
Les autorités ne se laissent pas faire, les emploient les grands moyens et attaque directement l’élément précurseur de la révolution : El général, qui a réussis à faire bouger les jeunes et lever les manifestant par sa musique.
Peu après la sortie de Rayes Lebled, son téléphone personnel est mis sur écoute et ses pages Facebook bloquées.
"Touns Bledna" est la goutte qui a fait déborder le vase. Le 24 décembre, à cinq heure du matin la police secrète fait irruption chez lui et le traine jusqu’au siège de la Sureté Nationale, peu après il est placé en isolement au Service de Sécurité où il est interrogé pendant des heures « Ils m’ont insulté pendant 24 heures. De la torture morale. Ils me demandaient qui était derrière moi et à quel parti j’appartenais. »
Cette arrestation déclenche une énorme réaction de toutes parts, notamment les manifestant se sont révolter pour sa libération. Hamada Ben Amor reste enfermé dans une cellule, menottes aux mains, pendant trois jours. A l’extérieur, la pression se fait de plus en plus forte « La police a été bombardé d’appels concernant ma détention […] j’ai ressenti une grande fierté. »
Trois jours plus tard il fut libéré et ramener chez lui tel une célébrité, il est même félicité par la police de sa libération.
Mais le rap n’est pas seul dans sa lutte contre la censure, le graffiti en fait aussi parti.
Un système répressif très vigilant sur certains modes d’expression : El Seed (un graffeur tunisien) explique « Je me rappelle d’une murale que j’avais faite dans le sud de la Tunisie de 1998. La police était venue vérifier si je n’écrivais rien sur Ben Ali et son gouvernement », même Sk-One explique
la sous-médiatisation du Hip-Hop en Tunisie : « L’état censure les pages Facebook des rappeurs, et une chaine de télévision va les contacter pour une interview ?! Ils vont avoir des problèmes ! »
El Seed est heureux de constater « la chute de Ben Ali à emmener avec elle la peur de la répression »
Mais Moeen pense que même aujourd’hui la répression policière n’a pas totalement disparue. Il se souvient notamment qu’il a voulu faire des tags dans le centre-ville à l’occasion du 1er mai et qu’il en a été empêché par un groupe de policier qui le poursuivait et l’observait sans cesse.